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Thema

Pâturages

Nourrir ses bêtes et vivre de l’élevage : une introduction
Lucie Dupré, Jacques Lasseur et René Poccard-Chapuis
p. 22-35

Notes de la rédaction

Ce travail a été conduit dans le cadre du projet de recherches MOUVE financé par l’Agence nationale de la recherche (projet ANR-2010-STRA-005-01).

Texte intégral

Pâturage des vaches sous mélézin dans les Alpes en Haute-Tarentaise. La ferme herbagère est un système d’élevage qui caractérise les zones agro-climatiques plus favorables à la pousse de l’herbe, où la production animale est plus soutenue, qu’on retrouve par exemple dans les montagnes françaises. La récolte de fourrages pour conservation et distribution en période de faible croissance de la végétation est fréquente. La transhumance (estive) est un attribut optionnel de ces systèmes présentant des complémentarités régionales du fait d’un fort gradient pédoclimatique.

© R. Poccard-Chapuis

1En 1990, le scandale de l’Encéphalite Spongiforme Bovine (ESB) dit « de la vache folle » a provoqué une onde de choc dans les sociétés européennes : des animaux qu’on croyait herbivores étaient devenus carnivores, sous couvert d’une meilleure efficacité technico-économique permise par un contrôle renforcé de leur alimentation. Il s’est ensuivi une « crise » sans précédent qui conduisit André Micoud à se demander, lequel des deux, de l’homme ou de la vache, était devenu fou (Micoud 1993). L’image choyée de la vache, véritable emblème du régime à l’herbe, en fut profondément troublée. En France, plus récemment, la très médiatique « ferme des 1 000 vaches » dans la Somme pose à nouveau et d’une autre façon, la question du lien entre l’élevage, les milieux naturel et leur exploitation par le pâturage, lien qui repose principalement sur des pratiques d’alimentation animale auxquelles les consommateurs sont de plus en plus sensibles.

Élevage et herbe : un lien à cultiver

2À l’échelle mondiale, l’élevage d’herbivores reste toutefois fortement herbager. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, le pâturage couvre 26 % des terres émergées du globe libres de glace ; seules les forêts sont plus étendues (FAO 2009). Le pâturage s’appuie sur une grande diversité de milieux naturels et de territoires qui fournissent aux éleveurs des ressources que l’on dit « pastorales », « herbagères » le plus souvent. En français, le même terme désigne aussi bien le territoire pâturé que la pratique dont il est le support.

Paysage sahélien au Sénégal durant la saison des pluies

Paysage sahélien au Sénégal durant la saison des pluies

La variabilité climatique annuelle constitue la pression écologique majeure pour les populations habitant la zone sahélienne et pour l’élevage. Pour analyser les interactions entre activités d’élevage et environnement, l’initiative Elevage Environnement et Développement de la F.a.O. (LeaD) caractérise 4 grandes zones écologiques aux caractéristiques déterminantes pour la production de fourrages. La durée de croissance de végétation en est le principal critère. elle conditionne des périodes pour lesquelles la ressource pâturable est présente en faible quantité ou de moindre valeur alimentaire, et par conséquence des systèmes de cultures. Les zones arides, comme ici au sahel, se définissent par une très faible production de fourrages par unités de surface, une grande incertitude quant à leur disponibilité et la rareté des points d’eau pour l’abreuvement. Les trois autres ensembles agro-écologiques sont i) les zones semi-arides, ii) les zones tropicales sub humides et humides, iii) les zones tempérées et tropicales d’altitude qui se définissent par une saison froide qui limite la pousse de l’herbe.

© CNRS Photothèque/OHM/Axel Ducourneau

3Ce double sens du mot « pâturage » est bien plus qu’une coïncidence langagière : il nous invite à explorer la complexité de l’articulation entre pratiques d’élevage et territoires, qui se joue dans le pâturage et à ne pas penser l ’un sans l’autre. C’est ce que chacune des contributions de ce Théma rappellera à sa manière. Naturel, le pâturage ? Certainement pas. Une façon archaïque de nourrir les bêtes à moindre coût ? Mais de quel coût parle-t-on ?

4Le pâturage engage l’éleveur et ses bêtes dans un rapport complexe au territoire, à ses ressources, au temps. La loi de la nature s’y rappelle tous les jours : aléas climatiques, handicaps naturels, relief et altitude, isolement, sécheresse ne sont pas les moindres difficultés de ses conditions de vie et de travail. L’alimentation à l’herbe est ainsi en prise à la myriade des risques agroécologiques, souvent amplifiés par l’actuel changement climatique. Tous les éleveurs sont par ailleurs confrontés aux lois du marché et de l’échange marchand, aux pressions économiques et aux incertitudes qui y sont associés. Parmi eux, les éleveurs s’appuyant très majoritairement sur des ressources pâturées pour alimenter leur troupeau le sont particulièrement. Ainsi, très sensibles aux aléas climatiques qui sont souvent à l’origine de forts renchérissements des aliments de substitution du fait de la fragilité des filières d’approvisionnement, ces éleveurs se voient obligés de vendre massivement des animaux en condition de marché où ils sont fortement dépréciés. Tessema (2014) souligne les perspectives de soutien à l’élevage pastoral permis par une meilleure maîtrise de la commercialisation des produits mais aussi du chemin qu’il reste à parcourir pour y arriver. Plus généralement lorsqu’ils achètent ce qu’on appelle dans le jargon agronomique des « intrants », ces éleveurs peinent à rester concurrentiels par rapport à d’autres systèmes d’alimentation, plus productifs par unité animale ou de main-d’œuvre. Cet élevage spécifique est par ailleurs vulnérable : modes de vie exigeants, risques techniques, effondrement – ou simplement érosion – démographique agricole. Enfin, les dynamiques foncières et la concurrence dans l’occupation des sols sont de plus en plus fortes. Le secteur forestier y prend une part notable, mais également, et venant cette fois hors secteur agricole, l’urbanisation des espaces ruraux ou encore certaines évolutions concernant les changements de propriétaire et la réaffectation du bâti et du foncier agricole, sont lourds de conséquences.

5L’ensemble de ces conditions écologiques et sociales fragilisent l’élevage et les territoires souvent difficiles où il reste parfois l’une des seules activités économiques possibles. Au Nord, il permet ainsi souvent de valoriser les interstices laissés vacants par l’agriculture fortement capitalisée, alors qu’au Sud, il apparaît fréquemment comme le moyen de subsistance de nombreuses des familles rurales (Herrero & al., 2013), voire, toute la richesse des pauvres (Duteurtre & Faye (Dir.), 2009). C’est dans ce contexte perturbé que les éleveurs doivent faire face à une nécessité première : nourrir leurs bêtes et se nourrir eux-mêmes, pour pouvoir vivre de l’élevage. Telle est la condition nécessaire pour qu’ils gardent leur place dans ces territoires, qu’ils puissent exister socialement et culturellement, et ainsi assurer la continuité d’un métier qui est bien plus qu’une activité économique.

L’élevage en pâture

6Les pratiques et les enjeux associés au pâturage sont d’autant plus complexes qu’ils font entrer l’élevage de plain-pied dans la société civile, en étant montré du doigt, parfois sans ménagement. Ainsi, en 2006, le rapport Livestock long shadow – (« l’ombre de l’élevage sur la planète ») de la FAO a listé les effets négatifs que peut avoir le pâturage sur les territoires : destruction des ressources naturelles, notamment forestières, perte de la biodiversité, érosion des sols, pollution de l’eau, contribution à l’effet de serre (équivalant du secteur des transports selon cette même source) et au changement climatique (Steinfield & al., 2006). Il en résulte des injonctions parfois contradictoires : produire plus pour nourrir la planète [mais avec moins de bras], produire mieux pour ne pas la détruire et garantir la santé du consommateur, entretenir des paysages… Toutes mettent en tension les formes de l’activité d’élevage et leur inscription dans les territoires. Une telle scène dé-sectorialise l’élevage et ses enjeux, conduisant les politiques à quitter leurs ministères respectifs pour s’inviter dans les filières et les instances territoriales, où elles poursuivent des objectifs propres et parfois négociés localement. Ainsi, à côté des remembrements et autres lois d’orientation spécifiques vers la révolution verte, les politiques d’élevage intègrent désormais des objectifs d’entretien de paysages, et manière globale depuis peu, de valorisation de « services écosystémiques » (cf. Dupré, Lasseur, Poccard-Chapuis dans le Théma), sans oublier la qualité des produits alimentaires mis en marché. En France, mais aussi au Maroc ou encore au Brésil, les indications géographiques définissent aux fromages et aux viandes, des qualités à la fois techniques (alimentation, procédés de transformation), culturelles et territoriales (aire géographique, référence à des traditions ou des caractéristiques localisées).

Pâturages du Nord au sud

7Le pâturage nous fait entrer à la fois au cœur du métier d’éleveur, de ses interactions avec d’autres groupes professionnel ou social, tout comme nous sommes au cœur de nos sociétés : de leurs attentes, de leurs craintes, de leurs contradictions. Il est en cela est un excellent lieu d’observation de ces multiples compromis, de ces arrangements à géométrie variable avec la nature et avec les marchés. Il ne se pratique pas d’une seule et unique manière. Il existe sous plusieurs formes qui varient, notamment, selon les zones « agro-écologiques » et pédoclimatiques. Ces zones se caractérisent par la capacité des cycles de végétation à se développer, à se renouveler. Elles conditionnent donc la possibilité d’accès pour l’éleveur et ses bêtes, et de mobilisation au long de l’année de ces ressources alimentaires. Les contributions de ce Thema en parcourent une grande partie, du polaire à l’équatorial, du désertique tropical au tempéré océanique, de la plaine à la montagne. Elles dessinent un arc méridien qui nous conduit du nord de l’Europe, en Laponie suédoise, à l’extrême sud du continent américain, en Patagonie argentine, en passant par les montagnes françaises, le sud de l’Atlas marocain, l’Amazonie brésilienne et la Pampa uruguayenne.

8Mais ni le climat ni la végétation ne décident de tout. Construire une intelligence de l’organisation de ce que les zootechniciens appellent des « systèmes d’élevage », que les anthropologues désignent sous le terme de « cultures techniques », renvoie à un jeu d’interactions complexes entre éleveurs, élevages, milieux naturels et sociétés locales. Le géographe J.-P. Deffontaines disait du territoire qu’il « était facteur, support et produit de pratiques » (Deffontaines, 1988). Le pâturage ne peut pas mieux correspondre à cette idée, compte tenu, nous l’avons déjà souligné, du double-sens du terme : aire fourragère et pratique d’alimentation. Il renvoie à une diversité d’éléments hétérogènes, qui s’agençant les uns aux autres, font « système » : espèces, races, projet économique, main-d’œuvre, accès au foncier, politiques publiques, transformation et mise en marché, savoirs et réglementations, bâtiments et engins agricoles, etc. Il s’ensuit qu’au sein d’une même zone agroécologique, l’élevage peut s’exercer sous des formes relativement différentes, et le pâturage occuper une place très variable. Du système le plus pastoral comme le ranching ou le nomadisme, élevages entièrement fondés sur le pâturage, à des situations qu’on dit « agro-pastorales », c’est-à-dire qui reposent non seulement sur du pâturage mais aussi sur des cultures fourragères, et à l’extrême opposé, l’élevage dit « hors-sol » où toute l’alimentation est apportée à l’auge, sans aucune pâture. Si l’étude des pâturages ne peut se contenter d’observer un seul de ces systèmes, elle ne peut non plus se satisfaire d’un seul regard ou champ disciplinaires.

9Cependant, chercher à couvrir toutes les formes et pratiques de pâturage, n’est pas dans l’objectif de ce volume. Sans être exhaustif, nous avons souhaité retenir un jeu d’analyses tant par les contextes locaux contrastées que par les regards disciplinaires développés qui permettent d’appréhender la diversité d’enjeux et de conditions d’exercice de l’activité.

Un regard à plusieurs disciplines

10L’analyse à plusieurs regards s’est dès lors imposée, le pâturage étant trop vaste pour n’être exploré que par une seule discipline. De fait, deux ensembles de disciplines sont convoqués : les sciences humaines et sociales et les sciences dites de la vie ou biotechniques. Assurant leur rapprochement fécond, une notion fait office de « plateforme » (Bonnemaire, 2014) : la notion de « système technique » des zootechniciens qui n’est pas sans rapport avec celle de « culture technique », de système sociotechniques ou de « système technique » des ethnologues et des anthropologues (Lemonnier, 2010 ; Joulian, 1994 ; Bartholeyns & al., 2010). Pour l’écologue en revanche, un pâturage correspond à une association végétale particulière, dotée de propriétés précises et sur lesquelles l’éleveur intervient par la mise en pâture et mis en défend. Le géographe y voit des agencements entre ressources, installations, héritages fonciers notamment, le tout dans un processus permanent de construction ou adaptation des territoires. L’histoire n’est pas en reste, car le pâturage vient de loin, tant dans ses cultures techniques ou végétales, que dans ses structures sociales et territoriales. Bien sûr, l’économie et ses réglementations, politiques notamment, sont des constantes transversales qui en renouvellent – ou en contraignent– régulièrement les formes.

11Un tel assemblage est, nous l’avons dit, assez naturel tant le pâturage se partage bien – ici l’herbe n’est pas plus verte chez le voisin. Mais qu’on ne s’y trompe pas pour autant : « naturel » ne veut en rien dire « facile ». Bien au contraire : accorder des points de vue, assembler des regards est source de complexité pour les auteurs qui s’y emploient. Un zootechnicien qui s’intéresse au pâturage ne le fait pas comme un sociologue, ni comme un géographe, et n’a pas de raison de le faire. On peut concevoir que cette complexité soit également source d’une certaine perplexité pour les lecteurs, dont certains seront peut-être bousculés dans leurs habitudes. Gageons qu’une fois passée cette perplexité, et que sera prise et comprise la mesure de cette altérité disciplinaire, ce Thema permettra de comprendre à quel point le pâturage nous invite à sortir de notre pré carré.

Lamas dans la région d’Arequipa (2013)

Lamas dans la région d’Arequipa (2013)

L’économie régionale dépend essentiellement de la production agricole, mais aussi et surtout de l’élevage de bovins et de camélidés domestiques, lamas et alpacas, prisés pour leurs viandes et leurs fourrures.

© Inès Pasqueron

12Au-delà de leur spécificité, lorsqu’il s’agit du pâturage, c’est bien la question du rapport à la nature que ces disciplines ont, entre autres, en commun. Agronomie et zootechnie se sont historiquement constituées pour maîtriser la biologie des « process » de production, pour lesquels les « facteurs naturels » jouent un rôle primordial comme le rappelaient les économistes ruraux J. Milhau et R. Montagne (1964). S’intéressant plus récemment aux pratiques des agriculteurs et aux systèmes de production, l’agronomie envisage les activités sous l’angle de leurs opportunités, modalités et efficacité (Landais & al., 1988). Les « rationalités » de l’alimentation du troupeau y sont centrales. En définissant ce que le bon élevage doit techniquement être, un élevage conforme aux attentes, aux pressions économiques et politiques, en préconisant des moyens techniques pour y parvenir, l’agronomie construit un point de vue social sur l’élevage, qui vise particulièrement le rapport à la nature et aux ressources naturelles, point de vue dont le terme « d’exploitation » rend, en partie, compte. C’est bien également ce rapport à la nature, mais appréhendée à une autre échelle et avec d’autres outils, que la géographie sociale, qu’on dit aussi humaine, rurale, s’emploie. Il est ici question de cartes, d’entités morpho-pédologiques, de territoires inévitablement construits par les hommes en société, ici les éleveurs. Quant à l’ethnologie et l’anthropologie, arrière-petite-fille des sciences dites naturelles, l’organisation sociale du rapport à la nature et l’analyse des conditions de l’inscription et de sa reproduction d’une société dans un territoire, n’en constituent-elles pas le cœur ?

13Du Nord au Sud, pour arpenter ces pâturages, nous suivrons donc deux fils rouges qui, bien que renvoyant à des échelles différentes, s’entrecroisent de façon féconde : le premier est celui du travail de et avec la nature sur lequel repose le pâturage, le second concerne la « fabrique » des territoires.

Un travail avec la nature

14Le premier mouvement de ce Thema s’emploie à décrire et saisir la complexité des cultures professionnelles fondées sur ce travail particulier avec la nature. Nous en rendons compte du point de vue de l’engagement dans le métier d’éleveur à l’échelle d’entités de production que sont l’« exploitation agricole », la « ferme ». De telles notions, ce sera l’occasion de s’en rendre compte, recouvrent des réalités parfois bien différentes, voire n’existent pas toujours. Avec Isabelle Boisdon & al., nous voici au cœur de l’exploitation agricole et de ce que les agronomes appellent le « système fourrager », le « système d’exploitation ». Dans la même commune du Livradois-Forez, en Auvergne – une région française considérée comme la plus grande prairie de l’hexagone – des vaches laitières restent pourtant à l’étable toute l’année : c’est ce qu’on appelle le « zéro pâturage ». Pourquoi ? Les auteurs se saisissent de cette situation pour nous faire entrer à la façon des agronomes dans les coulisses du pâturage et caractériser les déterminants et modalités d’organisation de ce qui à leurs yeux fait système et ne va pas de soi. Restons ensuite en France, dans les Pyrénées et dans le Vercors. L’élevage prend ici un tout autre relief avec la pâture en montagne. Antoine Doré & al montrent en quoi selon les conditions locales, le pâturage renvoie à des formes de « cultures techniques de l’herbe » différentes, bien qu’elles soient pareillement orientées vers un enjeu d’autonomie alimentaire que les épisodes de sécheresse et le coût croissant des aliments ont accentué. Dans les Alpes, il s’agit de « pâturer et d’exploiter la prairie » intensivement : produire du fourrage, fertiliser, constituer des stocks pour la mauvaise saison, tandis que dans les Pyrénées, il s’agit d’exploiter au mieux les potentialités fourragères des différents étages pédo-climatiques : « pâturer la montagne » ne va pas sans cultiver le maïs en plaine.

15Gagnons à présent les territoires les plus septentrionaux de l’Europe, en Laponie suédoise où l’élevage de rennes alimente largement en viande le marché intérieur et se déploie dans un territoire d’hivernage que les éleveurs partagent avec les forestiers. Samuel Roturier et Marie Roué s’attachent à décrire une culture pastorale complexe au cœur de laquelle l’alimentation du troupeau se joue dans, avec et contre la neige. S’émancipant de la dichotomie savoirs populaires / scientifiques, les auteurs nous montrent à quel point « le pâturage est toute une science ! » Cap au Sud maintenant : et gagnons l’Uruguay avec Maria Fernanda Alvarez de Torres ; ce pays, le plus petit de ce qu’on appelle le « cône Sud », est composé à 83 % de pâturages. Ici, l’élevage s’exerce « a cielo abierto », « à ciel ouvert », dans le biome pampa qui s’étend à perte vue. Deux points de vue contradictoires se déploient sur la prairie, deux conceptions de l’élevage se font face, portées chacune par un rapport opposé au temps et au vivant. Un système complètement herbager entre en tension avec un autre système fondé sur la culture du soja qui permet d’accélérer ainsi le cycle de l’élevage. Pour en rendre compte, MF de Torres se focalise sur une figure emblématique de l’élevage herbager : le spécialiste du « campo natural », le « campero », l’ouvrier agricole qui, engagé dans une relation très singulière avec le milieu, à cheval, parcourt, surveille, contrôle, et finalement prend soin de la pampa et de ses vaches.

Définir ce qui fait ressource

16Avec le deuxième temps de ce Thema les échelles d’analyse s’élargissent. Le pâturage est maintenant envisagé comme une construction collective, objet de débats, voire de controverses professionnelles et interprofessionnelles, sur ce qui peut et ne peut pas, sur ce qui doit « faire ressource ».

17Les articles de Martine Napoléone & al. ainsi que celui de Nicolas Lacombe et François Casabianca nous emmènent dans les montagnes françaises pour le premier et au Maroc pour le second. Le pâturage est pensé ici dans le cadre d’un produit agroalimentaire caractérisé par un signe de qualité : chevreau de l’arganeraie marocaine, pélardon cévenol ou bleu de Sassenage dans le Vercors. Les enjeux sont de taille, ils renvoient notamment à la rédaction d’un cahier des charges dont le respect conditionne la possibilité de valoriser économiquement et culturellement sa production sous label. Les Cévennes, et le Vercors sont deux territoires qui ont développé un rapport particulier à la modernisation agricole. Dans une sorte de chronique, Martine Napoléone, Carole Chazoule et Philippe Fleury insistent sur les débats qui ont présidé à la définition collective de « la ressource qui convient » dans l’alimentation des bêtes. Plus au sud, au Maroc, le pâturage est aussi « aérien ». Les chèvres se nourrissent en effet, à certains moments, des feuilles d’un arbre aussi emblématique que convoité, l’arganier. C’est plus exactement l’arganeraie, écosystème classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1988, qui est une ressource fourragère. Nicolas Lacombe et François Casabianca reviennent sur la façon dont plusieurs communautés professionnelles s’approprient et se disputent espaces et espèces, faisant du pâturage l’objet d’une véritable controverse. Entre qualification des produits et disqualification de l’espèce caprine, c’est la professionnalisation et la reconnaissance des éleveurs qui est aussi en jeu.

18Au Brésil, dernière étape de ce temps de réflexion dédiée au rapport à la nature c’est « l’arbre qui cache la prairie ». Le pâturage fait pour le moins débat sur la scène internationale. Replaçant la dynamique de déforestation dans une perspective politique et historique, René Poccard-Chapuis et ses collègues livrent des éléments moins connus de cette scène éminemment politisée que sont les fronts pionniers et insistent sur la diversité des types d’élevage et des éleveurs qui les peuplent. Ici, le pâturage offre aussi un devenir à des migrants, une promesse d’ascension sociale, un éloignement de la misère. Il est aujourd’hui dans un moment clé : celui de la « déforestation zéro » impulsée par le gouvernement Lula obligeant les éleveurs de ces fronts pionniers à repenser leurs pâturages, à remettre en cause leurs pratiques pour s’approprier durablement le territoire. L’appropriation du territoire par le pâturage, ce sera précisément le dernier temps de notre réflexion.

Jeune fille huichols, Mexique

Jeune fille huichols, Mexique

Les systèmes de culture mixtes ou agro-pastoraux se caractérisent par une combinaison au niveau de l’exploitation de terres cultivées destinées pour tout ou partie aux cultures de vente (et de terres dédiées à l’alimentation des troupeaux). Fréquemment, une partie des terres est d’usage collectif. L’alimentation du troupeau repose pour partie sur des sous-produit des cultures et l’intégration entre les deux composantes de l’activité est une caractéristique de ces systèmes. L’agriculture mixte offre ainsi des possibilités de recyclage des nutriments. au niveau mondial, les systèmes mixtes agricultures-élevage produisent la plus grande partie de la viande (54 %) et du lait (90 %) ; c’est le principal système de production pour les petits exploitants de la plupart des pays en voie de développement. au Mexique (photo), la saison sèche, d’octobre à mai, est terrible pour le bétail rustique des Huichols que les éleveurs les plus aisés aident à survivre en leur distribuant une ration quotidienne de ce frugal fourrage.

© CNRS Photothèque – Saumade Frédéric

Une fabrique de territoires

19Nous voici maintenant en Patagonie argentine, dans les pâturages les plus au sud de la planète. Pas de discussion collective, pas de débats professionnels : ici, la colonisation ovine de ce territoire steppique, dont Fernando Coronato et Jean-François Tourrand nous livrent la chronique, s’est faite par un accaparement foncier et une extraction minière de la ressource. C’est de cette « colonisation ovine » qu’est née la Patagonie, qui a scellé le destin de tous les hommes qui y vivent et s’y sont installés avec par et pour l’élevage. Là, autour de la filière de production lainière, en 1950, au plus fort, du « boom ovin » , le rapport de force entre moutons et patagons se jouait à 1 contre 20 : 20 millions d’ovins pour 1 million de Patagons, pointent les auteurs. Le texte d’Olivier Barrière revient ensuite sur un aspect éminemment central dans la question du pâturage et dont le cas patagon montre, par défaut, les enjeux et la spécificité : le droit pastoral et son histoire. Complexe, ce droit, qui reste à construire dans bien des cas, s’organise autour d’une relation foncière singulière. Olivier Barrière, en distinguant ce qui relève de droits d’usages de ce qui relève de droits de propriété, montre que le pâturage conduit dans une perspective multifonctionnelle portée par des enjeux environnementaux, peut être conforté par des dispositions de droit qui ne se limiterait pas aux seuls attributs de la propriété foncière individuelle. Il pourrait se traduire par une « mise en patrimoine » du territoire pastoral, théâtre de tension universelle entre propriété privée et parcours collectif, entre intérêt particulier et intérêt général, que le droit gouverne et prescrit.

20Le pâturage est également histoire, et même histoire ancienne dit-on souvent. Dans le Curiosa, nous sommes en 1480 ; Noé de Barras est un entrepreneur provençal de transhumance dont William Blanc analyse le livre de compte. La description de ce noble atteste de la très forte organisation sociale des réseaux de relations impliqués à l’échelle du territoire parcouru pour mener à bien une telle activité. L’analyse des écrits de ce conducteur de troupeaux permet une réflexion sur le « sens de la conduite » et de ses parallèles avec l’activité militaire. Cette évocation illustre la contribution du pâturage aux attributs du pouvoir sur cet espace.

Ranching

Ranching

Le ranching est un système d’élevage sédentaire avec un accès individuel à la terre qui permet d’organiser des rotations du pâturage tout au long de l’année sur un ensemble d’unités élémentaires (souvent clôturées) sur lesquelles l’éleveur fait fluctuer charges animales (c’est-à-dire le nombre d’animaux) et types d’animaux pâturant selon la disponibilité des ressources et les stades physiologiques des animaux. Des systèmes emblématiques en Australie, Amérique du nord et du sud (Brésil, Uruguay) situé généralement dans des régions peu densément peuplées. On trouve du ranching également en Afrique (photo). Dans la province du Haut Congo, cet élevage compte 25 000 têtes de bovins de la race Nadma trypatollérants. Il s’étend sur 50 000 hectares. Les animaux sont conduits en lots, pâturant en rotation sur la savane naturelle dans des parcs clôturés.

© Pascal Bonnet I

Rennes de Sibérie

Rennes de Sibérie

Les systèmes d’élevage à l’herbe mobiles se caractérisent par un accès collectif à tout ou partie de l’espace pâturé, des déplacements annuels ou saisonniers d’une partie ou de tout le groupe familial avec le bétail vers de nouveaux pâturages selon les disponibilités en eau et les ressources en fourrage. La transhumance est un mouvement saisonnier des troupeaux sur une base régulière, entre deux ou plusieurs zones saisonnières de pâturage, qui se trouvent parfois très éloignées. C’est une forme de mobilité qui caractérise les systèmes à l’herbe. Ici conduite d’un troupeau de rennes sur les plateaux à toundra de lichens en juin, dans la région de Bystrinski, dans le Kamtchatka central, en Russie.

© CNRS Photothèque – Camille Fossier

Dromadaires

Dromadaires

Les zones désertiques ne sont pas exclusivement associées à des systèmes d’élevage extensifs très mobiles. Des élevages semi-intensifs, ici de dromadaires Waddah à Hail (Arabie saoudite), se développent également. Dans ces systèmes, la mobilité des troupeaux est réduite (faible déplacement saisonnier, voire sédentarisation totale), mais avec un accès aux parcours désertiques au cours de la journée. Les animaux sont parqués la nuit (tout particulièrement les laitières comme dans le cas de la photo) et reçoivent un complément alimentaire qui peut couvrir jusqu’à 80 % des besoins énergétiques (foin de luzerne cultivée en irrigué dans la ferme ou à l’extérieur-concentrés du commerce notamment pour les laitières, blocs à lécher). (Photo et légende : Bernard Faye)

© Bernard Faye

Vaches aubrac au pâturage

Vaches aubrac au pâturage

Cette race rustique est parfaitement adaptée à la valorisation par le pâturage d’une diversité de milieux des moyennes montagnes granitiques. On remarque un paysage en mosaïques associant prairies de fonds de vallon, landes et forêts.

© Pascal Bonnet

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Bibliographie

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Bartholeyns, G., Govoroff, N., Joulian F. 2010 Introduction. Une anthologie en forme de manuel. In : Cultures Matérielles, Techniques & Culture, n° 54-55 : 6-17.

Duteurtre, G., Faye, B. (Coord.) 2009 L’Élevage, richesse des pauvres. Paris : Quae. Herrero, M. et al 2013 The Roles of livestock in developing countries, Animal 7: 13-18.

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Landais, E., Deffontaines, J.-P., Benoît, M. 1988 Les Pratiques des agriculteurs. Point de vue sur un courant nouveau de la recherche agronomique, Études rurales 109 : 125-158.

Micoud, A. 2003 Ces Bonnes vaches aux yeux si doux, Communications 74, Bienfaisante nature : 217-237. Milhau, J., Montagne, R. 1964 Économie rurale. Paris : Presses Universitaires de France.

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Légende Pâturage des vaches sous mélézin dans les Alpes en Haute-Tarentaise. La ferme herbagère est un système d’élevage qui caractérise les zones agro-climatiques plus favorables à la pousse de l’herbe, où la production animale est plus soutenue, qu’on retrouve par exemple dans les montagnes françaises. La récolte de fourrages pour conservation et distribution en période de faible croissance de la végétation est fréquente. La transhumance (estive) est un attribut optionnel de ces systèmes présentant des complémentarités régionales du fait d’un fort gradient pédoclimatique.
Crédits © R. Poccard-Chapuis
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-1.png
Fichier image/png, 2,1M
Titre Paysage sahélien au Sénégal durant la saison des pluies
Légende La variabilité climatique annuelle constitue la pression écologique majeure pour les populations habitant la zone sahélienne et pour l’élevage. Pour analyser les interactions entre activités d’élevage et environnement, l’initiative Elevage Environnement et Développement de la F.a.O. (LeaD) caractérise 4 grandes zones écologiques aux caractéristiques déterminantes pour la production de fourrages. La durée de croissance de végétation en est le principal critère. elle conditionne des périodes pour lesquelles la ressource pâturable est présente en faible quantité ou de moindre valeur alimentaire, et par conséquence des systèmes de cultures. Les zones arides, comme ici au sahel, se définissent par une très faible production de fourrages par unités de surface, une grande incertitude quant à leur disponibilité et la rareté des points d’eau pour l’abreuvement. Les trois autres ensembles agro-écologiques sont i) les zones semi-arides, ii) les zones tropicales sub humides et humides, iii) les zones tempérées et tropicales d’altitude qui se définissent par une saison froide qui limite la pousse de l’herbe.
Crédits © CNRS Photothèque/OHM/Axel Ducourneau
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-2.jpg
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Titre Lamas dans la région d’Arequipa (2013)
Légende L’économie régionale dépend essentiellement de la production agricole, mais aussi et surtout de l’élevage de bovins et de camélidés domestiques, lamas et alpacas, prisés pour leurs viandes et leurs fourrures.
Crédits © Inès Pasqueron
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-3.jpg
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Titre Jeune fille huichols, Mexique
Légende Les systèmes de culture mixtes ou agro-pastoraux se caractérisent par une combinaison au niveau de l’exploitation de terres cultivées destinées pour tout ou partie aux cultures de vente (et de terres dédiées à l’alimentation des troupeaux). Fréquemment, une partie des terres est d’usage collectif. L’alimentation du troupeau repose pour partie sur des sous-produit des cultures et l’intégration entre les deux composantes de l’activité est une caractéristique de ces systèmes. L’agriculture mixte offre ainsi des possibilités de recyclage des nutriments. au niveau mondial, les systèmes mixtes agricultures-élevage produisent la plus grande partie de la viande (54 %) et du lait (90 %) ; c’est le principal système de production pour les petits exploitants de la plupart des pays en voie de développement. au Mexique (photo), la saison sèche, d’octobre à mai, est terrible pour le bétail rustique des Huichols que les éleveurs les plus aisés aident à survivre en leur distribuant une ration quotidienne de ce frugal fourrage.
Crédits © CNRS Photothèque – Saumade Frédéric
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-4.jpg
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Titre Ranching
Légende Le ranching est un système d’élevage sédentaire avec un accès individuel à la terre qui permet d’organiser des rotations du pâturage tout au long de l’année sur un ensemble d’unités élémentaires (souvent clôturées) sur lesquelles l’éleveur fait fluctuer charges animales (c’est-à-dire le nombre d’animaux) et types d’animaux pâturant selon la disponibilité des ressources et les stades physiologiques des animaux. Des systèmes emblématiques en Australie, Amérique du nord et du sud (Brésil, Uruguay) situé généralement dans des régions peu densément peuplées. On trouve du ranching également en Afrique (photo). Dans la province du Haut Congo, cet élevage compte 25 000 têtes de bovins de la race Nadma trypatollérants. Il s’étend sur 50 000 hectares. Les animaux sont conduits en lots, pâturant en rotation sur la savane naturelle dans des parcs clôturés.
Crédits © Pascal Bonnet I
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-5.jpg
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Titre Rennes de Sibérie
Légende Les systèmes d’élevage à l’herbe mobiles se caractérisent par un accès collectif à tout ou partie de l’espace pâturé, des déplacements annuels ou saisonniers d’une partie ou de tout le groupe familial avec le bétail vers de nouveaux pâturages selon les disponibilités en eau et les ressources en fourrage. La transhumance est un mouvement saisonnier des troupeaux sur une base régulière, entre deux ou plusieurs zones saisonnières de pâturage, qui se trouvent parfois très éloignées. C’est une forme de mobilité qui caractérise les systèmes à l’herbe. Ici conduite d’un troupeau de rennes sur les plateaux à toundra de lichens en juin, dans la région de Bystrinski, dans le Kamtchatka central, en Russie.
Crédits © CNRS Photothèque – Camille Fossier
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-6.jpg
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Titre Dromadaires
Légende Les zones désertiques ne sont pas exclusivement associées à des systèmes d’élevage extensifs très mobiles. Des élevages semi-intensifs, ici de dromadaires Waddah à Hail (Arabie saoudite), se développent également. Dans ces systèmes, la mobilité des troupeaux est réduite (faible déplacement saisonnier, voire sédentarisation totale), mais avec un accès aux parcours désertiques au cours de la journée. Les animaux sont parqués la nuit (tout particulièrement les laitières comme dans le cas de la photo) et reçoivent un complément alimentaire qui peut couvrir jusqu’à 80 % des besoins énergétiques (foin de luzerne cultivée en irrigué dans la ferme ou à l’extérieur-concentrés du commerce notamment pour les laitières, blocs à lécher). (Photo et légende : Bernard Faye)
Crédits © Bernard Faye
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-7.jpg
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Titre Vaches aubrac au pâturage
Légende Cette race rustique est parfaitement adaptée à la valorisation par le pâturage d’une diversité de milieux des moyennes montagnes granitiques. On remarque un paysage en mosaïques associant prairies de fonds de vallon, landes et forêts.
Crédits © Pascal Bonnet
URL http://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/7366/img-8.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Lucie Dupré, Jacques Lasseur et René Poccard-Chapuis, « Pâturages »Techniques & Culture, 63 | 2015, 22-35.

Référence électronique

Lucie Dupré, Jacques Lasseur et René Poccard-Chapuis, « Pâturages »Techniques & Culture [En ligne], 63 | 2015, mis en ligne le 01 mai 2018, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/tc/7366 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tc.7366

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Auteurs

Lucie Dupré

INRA ; INRA ; CIRAD

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Jacques Lasseur

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  • Éleveurs et élevages, entre inscription territoriale et changements globaux
    Grazing, building society… sustainably. Farmers and farming, between territorial identity and global changes
    Paru dans Techniques & Culture, 63 | 2015

René Poccard-Chapuis

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